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Portrait : Melanie Klein

Dernière mise à jour : 1 avr.


Melanie Klein, 1952



Portrait : Melanie Klein


Lorsqu’on évoque la personnalité INFJ, on néglige rarement l’un de ses domaines de prédilection, qui est l’intuition cumulée à une compréhension fine du système psychique humain. On cite alors fréquemment le psychologue suisse Carl Gustav Jung, lui-même auteur de la théorie des Types psychologiques (1921), et aussi mondialement célèbre pour ses travaux dans la psychologie analytique, sur les archétypes, l’inconscient collectif, l'individuation, la métapsychologie, etc.

Dans le présent portrait sera évoquée une autre personnalité INFJ, figure contemporaine de C.G. Jung, non moins connue, également pionnière de la psychologie : il s’agit de Melanie Klein, associée à la psychanalyse des enfants, et au mouvement psychanalytique britannique.



Sommaire :





1882 – 1902 : L’enfance


Melanie Klein, de son nom de jeune fille Reizes, naît le 30 mars 1882 dans l'Autriche-Hongrie à Vienne, 8 Tiefer Graben. Le prénom qui lui a été donné, Melanie, évoque : melas, melanos, ce qui veut dire la noire, la sombre… (même racine que mélancolie, mélas : noire, et khole, bile) un prénom que portera bien Melanie Klein.


Ses parents sont Moritz Reizes et Libussa Deutsch .

Son père, juif polonais originaire de Lemberg (Lwów sous la période polonaise, aujourd’hui Lviv, Ukraine) et issu d’un milieu pratiquant et orthodoxe, s’est d’abord consacré à des études religieuses pour devenir rabbin, mais il devient tardivement médecin généraliste (puis dentiste). Préférant la science au dogme, il rompt avec sa famille qui se sent trahie par une telle décision. Melanie fera preuve de la même opiniâtreté tout au long de sa vie.

Libussa, issue d’une famille de rabbins de Slovaquie, aisés, tolérants et cultivés, a 24 ans lorsqu’elle épouse Moritz Reizes, qui en a alors 48, et pour lequel c’est son second mariage. Elle travailla dur pour subvenir aux besoins de sa famille, et ouvrit même (jusqu’en 1907) une boutique où elle vendait des plantes et des reptiles dont elle avait profondément horreur.


Venant au monde en 1882, Melanie est la plus jeune de sa fratrie, qui compte déjà trois autres enfants : Emilie (6 ans, née en 1876), l’aînée et la préférée du père, Emmanuel (5 ans, né en 1877), considéré par la famille comme une sorte de génie, et Sidonie (4 ans, née en 1878), décrite comme la plus belle des sœurs.

Sa mère Libussa avouera plus tard à Melanie que celle-ci n’avait pas été une enfant désirée. Melanie l’avait toujours senti. Sa mère a nourri au sein ses trois premiers enfants, alors que Melanie a été alimentée par sa « nourrice sèche », qui l’abandonne très vite. Ce n’est peut-être pas un hasard si plus tard Melanie développe l’importance de l’envie, de l’avidité, du sein idéalisé et du sevrage… Toutefois, Melanie écrira tardivement, à près de 75 ans : « Je n'ai pas le sentiment d'en avoir éprouvé de la rancœur, car je recevais beaucoup d'amour. » Si Melanie semble avoir idéalisée sa mère en la voyant tendre et aimante, elle perçoit aussi la difficulté de celle-ci à exprimer ses sentiments, et leur correspondance révèle que cette mère était aussi forte, dominante, possessive, se plaignant par exemple de son mari « érudit, renfermé, inapte aux affaires, et la laissant s'occuper de la maisonnée ».

Quant à son père, si elle l’admirait car il parlait une dizaine de langues, en revanche il lui déclara ouvertement préférer sa sœur Emilie, et Melanie s’en sentit profondément négligée. Il était à peine conscient de l'existence de Melanie. « Je n'ai aucun souvenir qu'il ait jamais joué avec moi.» (Autobiographie, 1953-1959) Elle ne bénéficia pas d’une image favorable de ce père, terne et trop âgé, souffrant plus tard de la maladie d’Alzheimer.


Emilie, Emmanuel et Sidonie forment un ensemble uni, auquel Melanie ne se sent pas appartenir.

Avec une telle configuration familiale, Melanie dût ainsi très tôt se battre et faire ses preuves pour être reconnue, ce qui lui conféra aussi son tempérament acharné. D’ailleurs, plus tard, sa mère étouffante et possessive Libussa, sa sœur Emilie et Melanie imposèrent souvent les unes aux autres des sentiments de rivalité et de jalousie.


Les Reizes sont une famille aux revenus modestes. Ils sont en revanche cultivés et autodidactes, car dans leur foyer règne un grand respect pour l’érudition et la tolérance, trait hérité du côté de la famille de la mère, Libussa. Ils occupent successivement plusieurs appartements à Vienne : Borsegasse, Martinstrasse.

Entre 1878 et 1882, pour des raisons de travail du père, la famille déménage de Vienne à la campagne, à Deutschkreutz en Hongrie (village actuellement autrichien).


La vie de Melanie Klein est marquée par une fréquence exceptionnelle de deuils et de drames. Le tout premier, alors qu'elle n'a que 4 ans.

En 1886, Sidonie, la sœur la plus proche de Melanie, décède de la tuberculose à l’âge de 8 ans. On craignit même que Melanie fût aussi atteinte.

On dit que Sidonie témoignait de beaucoup de gentillesse envers Melanie, et lui avait même appris la lecture et le calcul.

Melanie écrira : « Je suis certaine qu'elle était la plus jolie de nous tous, et je me rappelle les yeux bleu-violet de Sidonie, ses boucles noires et son visage angélique. »

« Je me rappelle avoir eu le sentiment que ma mère avait d’autant plus besoin de moi maintenant que Sidonie n’était plus là, et il est probable qu’une partie de mon problème provint de ce que je dus remplacer ma sœur. »


À 5 ans, Melanie rentre à l'école publique de l'Alsenstrasse, où elle apprécie d'avoir des camarades de classe. Très vite, elle devient une élève ambitieuse, très attachée aux bonnes notes et il lui importe particulièrement d'avoir les mots « wurde belobt » (avec les éloges) sur ses bulletins.


Melanie, vers 7 ou 8 ans



Si elle est consciente de sa judaïté, Melanie voit sa famille comme « anti-orthodoxe », et sa vie ne diffère pas de celle des « Gentils ». D'ailleurs, elle ne sera jamais sioniste. Sa jeunesse oscille entre convention et rébellion, à l'image de la vie de son père.


Adolescente, ambitieuse, elle a l'intention d'étudier la médecine, et de se spécialiser en psychiatrie. Malgré le milieu modeste de la famille, elle est animée d'une ferveur intellectuelle, et jusque tard dans la nuit, elle lit, à l'insu de sa mère qui n'encourage pas son inclinaison intellectuelle.


Dans la bande d’amis que fréquentent Melanie et son frère Emmanuel, ils discutent littérature, poésie, philosophie, et ont entre autres pour idoles l'écrivain Arthur Schnitzler, l'écrivain pamphlétaire Karl Kraus, ou encore le penseur Friedrich Nietzsche, ce dernier affirmant que le Surhomme doit vivre au-delà de la morale conventionnelle, pour s'élever jusqu'à un niveau supérieur de passion et de créativité.

Belle, cultivée, douée, la jeune femme ne laisse pas les garçons insensibles, qui pour la plupart lui font la cour et désirent ses faveurs. À ses 17 ans, elle rencontre parmi eux Arthur Steven Klein (son futur mari). Peu après leur rencontre, il la demande en mariage.

Après ses études secondaires, Melanie commence à étudier l'art et l'histoire à Vienne en 1899, mais n'y obtient pas de diplôme.


Melanie, vers 17 ou 18 ans



En 1900, Emilie, bien que moins jolie et intelligente, attire autant de prétendants par sa féminité douce et passive, et se marie avec Leo Pick, un jeune médecin.

La même année, alors que Melanie a 18 ans, leur père Moritz, âgé de 72 ans, meurt d’une pneumonie, laissant le foyer démuni.


Alors qu’elle vient de réussir ses examens d’entrée, Melanie est alors contrainte d’abandonner son projet d’études médicales tant convoité, faute de moyens financiers. Plus tard, elle signalera à Hanna Segal (une patiente qu'elle analysera, elle-même psychologue, et qui écrira une Introduction à l’œuvre de Melanie Klein, 1964) que ses travaux auraient été bien mieux accueillis et pris au sérieux si elle avait eu une formation en médecine.


Emmanuel, jeune homme


Peut-être en manque de figure masculine fiable, Melanie entretient avec son frère Emmanuel des sentiments que l’on qualifierait aujourd’hui d’incestueux. Dans leur jeunesse, percevant chez Melanie des talents en la matière, il l'avait encouragée à l'écriture poétique et littéraire. Par son caractère impudent et fougueux, Emmanuel a toujours été en révolte contre le père, et a toujours été une grande source de soucis pour la mère. Il n'a jamais bénéficié d'une bonne santé. À l’âge de 12 ans, il souffrait de scarlatine, puis de rhumatismes articulaires aigus avec des suites cardiaques. Comme Sidonie, il souffre de la tuberculose. Atteint, il se sait condamné. Il commence des études de médecine, puis de lettres. Épuisé par la maladie, la malnutrition, l’alcool, les drogues (il était probablement dépendant de la morphine et de la cocaïne depuis quelques temps), la pauvreté et sa propre volonté d’autodestruction, il disparaît à 25 ans, alors que Melanie en a 20. Il meurt à Gênes d'une défaillance cardiaque, après plusieurs années de voyage sans ressources et sans but autour de la Méditerranée, ce qu'il considérait comme son dernier périple d'artiste romantique.

Avec leurs sentiments incestueux, et l'idée d'un mariage entre Melanie et Arthur, qui hâta le comportement autodestructeur et la disparition et son frère, elle se sentit responsable de sa mort pour le restant de ses jours (ce qui avait probablement été le but recherché d'Emmanuel...).

La disparition de ce frère, ce père de remplacement, cet ami intime, ce double étrange, ce jumeau d’esprit, laisse en Melanie un vide que nul homme ne sembla par la suite avoir comblé.



1903 – 1920 : Budapest, mariage, vie familiale


Pourtant, à 21 ans, un an après le décès de son frère Emmanuel, Melanie se marie avec Arthur Klein, l'ami de celui-ci, et qu’elle connaît depuis trois ans. Ils s'épousent à Budapest le 31 mars 1903, au lendemain du 21ème anniversaire de Melanie.


Leur union marque aussi la fin des projets d'étude de Melanie. Les uns se demandent pourquoi ce mariage précipité, alors que Melanie avait des ambitions professionnelles, comme étudier la médecine et se spécialiser en psychiatrie. Des années plus tard, elle admettra que cette décision avait relevé de son « tempérament passionné », et que si elle n'avait pas tout de suite aimé Arthur, elle reconnaîtra qu'il ne lui avait pas fallu longtemps pour tomber amoureuse de lui. N'étant pas très riche, la situation d'Arthur (ayant étudié à l'École polytechnique de Zurich, appelé à devenir ingénieur chimiste, faisant de lui un prétendant avantageux) avait aussi probablement compté dans son choix.


Melanie et Arthur s'installent à Rosenberg (actuellement Ružomberok, Slovaquie), où ils s’intègrent bien. C'est aussi dans cette ville que le père d'Arthur a dirigé une banque, et a été maire et sénateur.

En mai, Melanie découvre qu’elle est enceinte. Le 19 janvier de l’année 1904, elle donne naissance à son premier enfant, une fille, Melitta. Celle-ci est décrite par sa grand-mère Libussa comme une enfant enthousiaste et enjouée. Dans les années qui suivent, Melanie et Arthur font deux voyages, le premier autour de la mer adriatique où ils visitent Trieste, Venise, et un second à Rome, et Gênes, où Melanie se recueille sur la tombe de son frère Emmanuel.

En 1906, après un dur labeur, elle finit par réussir à faire publier un recueil des écrits d'Emmanuel qu'elle a conservés, avec pour titre « Aus einem Leben » (D'une vie). Ce fut « le seul acte de réparation qu'elle pût dédier à son frère ».

Le 2 mars 1907, c’est la naissance de Hans.

Angoissée de tomber enceinte, Melanie souffre d’une profonde dépression pendant la grossesse de Hans, et après son accouchement, elle fait de nombreux séjours en maison de santé, dont deux mois en Suisse pour des cures. Cet état mental ne semble pas seulement le résultat des nombreux deuils qu’elle a vécus, mais aussi de la mésentente qui commence à s’installer dans son couple. Bien que loyale, ne s’accordant presque pas de sorties où elle rencontrerait d’autres personnes, Melanie commence à percevoir leur couple comme mal assorti, et son mari trop rigide, autoritaire, colérique, et ayant une « volonté aussi forte que la sienne ».


À la fin de l’année 1907, les Klein s’installent dans une petite ville morne de la Silésie, Krappitz : Arthur y a accepté un emploi bien rémunéré en tant que directeur d’une usine à papier d’un comte en Haute-Silésie. Ce choix s’avéra certainement désastreux pour leur mariage.

En effet, la mère de Melanie, Libussa vient vivre avec eux, et impose son contrôle dans la maisonnée. Elle qualifie Melanie de dépressive, neurasthénique chronique, abattue et instable. Elle se mêle aussi à la vie du couple, cherchant à garder Melanie sous sa dépendance. En outre, Libussa donna à Melitta une piètre image de Melanie, c’est-à-dire d’une mère malade, infirme émotionnellement. Ceci aura de fâcheuses conséquences par la suite sur la relation entre la fille et sa mère.


Melanie Klein, vers 30 ans (1912)


Melitta, Hans, Melanie


Poussé par Melanie, Arthur trouve un nouveau poste professionnel à Budapest, et la petite famille y déménage en 1911. Après avoir vécu près de 8 ans dans l'isolement social de la campagne, ils retrouvent une grande ville cosmopolite. Ce qui motive surtout Melanie, c’est de se rapprocher de deux sœurs d’Arthur dont elle apprécie la compagnie, Jolanthe et Klara. Jolanthe est mariée à Gyulia Vágó. Leur couple, très uni, semble former la famille idéale pour Melanie.


En 1912, à 30 ans, mère dépressive, épouse insatisfaite, Melanie Klein commence une analyse avec Sándor Ferenczi, « le plus éminent analyste hongrois », très à l’écoute des états archaïques et régressifs. C'est alors la première fois qu'elle peut réellement parler de ses propres expériences émotionnelles vécues. Cette analyse a eu un double bénéfice sur sa vie : d'une part, Klein était gravement déprimée et démoralisée dans un mariage dysfonctionnel, et d'autre part, elle menait une vie sans issue professionnelle, jusqu'à rejoindre le milieu psychanalytique.


L’intérêt de Melanie pour la psychanalyse s’affirme durant l’année 1913. Toute cette matière réveille sa soif d'intellect. À Noël, elle se découvre enceinte.

Le 6 juillet 1914, elle donne vie à son troisième enfant, Erich.

Bien que ravie de cette naissance, sa mère Libussa n’a guère l’occasion d’en profiter longtemps, car épuisée, malade. Melanie se souvient « d'avoir été tourmentée par un certain sentiment de culpabilité, de n'avoir pas fait plus pour elle, et nous savons qu'un tel sentiment existe. » Elle écrit : « Je m'agenouillai à côté de son lit et lui demandai de me pardonner. Elle répondit que j'aurais au moins autant à lui pardonner qu'elle à moi. Puis elle dit : « N'aie pas de chagrin, ne pleure pas, mais souviens-toi de moi avec amour. » Elle meurt le 6 novembre.

Dans son autobiographie qu’elle commence en 1953 et poursuit jusqu’en 1959 (à la veille de sa mort), Melanie idéalise sa mère au point de la rendre méconnaissable : « Ma relation à ma mère a été l’une des grandes ressources de ma vie. Je l’aimais profondément, j’admirais sa beauté, son intellect, son profond désir de connaissance, avec sans doute, un peu d’envie qui existe en toute fille… »

En dépit de sa relation difficile avec cette mère, il reste possible que cette idéalisation reste une défense contre son désespoir de n'avoir plus aucun moyen de réparer ses torts vis-à-vis de cette défunte mère.


La dernière phrase de L'amour, la culpabilité et le besoin de réparation (1937) est la suivante :

« Quand nous sommes devenus capables, dans la profondeur de notre inconscient, d'éliminer jusqu'à un certain point les griefs, et de clarifier les sentiments que nous portons à nos parents, que nous leur avons pardonné les frustrations qu'ils nous ont fait endurer, alors nous pouvons être en paix avec nous-mêmes et nous sommes capables d'aimer les autres dans le véritable sens du terme. »


Pour Melanie, 1914 est aussi l’année où le sens tragique de sa vie, ponctuée de deuils, résonne avec son effervescence et sa créativité. Avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale, son mari est appelé au front. Il en est de même pour son analyste Ferenczi, pour certaines périodes. Sa cure se retrouve discontinue.

La même année, Melanie découvre l’œuvre de Sigmund Freud, Le rêve et son interprétation, dont elle dit : « C’était ce vers quoi je tendais, au moins pendant ces années-là, où je cherchais si ardemment ce qui me satisferait intellectuellement et émotionnellement. »


Melanie vit alors seule avec ses enfants pendant deux ans. Arthur revient du front en 1916, invalide de guerre avec une blessure à la jambe. Après avoir goûté à l'autonomie et l'indépendance, elle n'est guère plus disposée à maintenir dans son couple une façade de bonne entente.


Entre 1913 et 1920, elle s’adonne à l’écriture de proses et de poésies : une trentaine de poèmes et quatre récits. Elle y évoque une femme malheureuse en amour et en mariage, son dégoût et son désir ambivalent pour la sexualité, l'infidélité comme libération et recherche d'un « vrai amour » (à l'inverse du mariage)... Elle évoque l'amour, ses tourments, et aussi le fantasme de mort. Ses textes sont qualifiés de prose verbeuse et de poésie peu originale, mais empreintes, selon la traductrice de ses écrits, Bruni Schling, d’une « sensibilité créatrice considérable ». « En dépit de leur caractère de confessions, ils ne sont jamais embarrassants et ils ne sonnent jamais faux. Ce qui élève ces histoires et ces poèmes au-dessus de ce qu'on trouve habituellement dans les magazines féminins, c'est leur sincérité absolue, leur honnêteté dans l’introspection, et le fait qu'ils sont l'expression authentique d'un esprit torturé. »

« Sa sensibilité créatrice, sa passion et sa ferveur intellectuelle lui servent d’exutoire pour affronter dépression, angoisse, agressivité et culpabilité, ce que toute son œuvre va chercher à mettre en forme.» (S.Urwand)

« Melanie était une personnification de ses propres théories ultérieures : le monde n'est pas une réalité objective, mais une phantasmagorie peuplée de nos propres craintes et de nos désirs. » (P. Grosskurth)


En septembre 1918, Klein assiste au 5ème Congrès psychanalytique de l’Académie des sciences hongroise à Budapest. Elle écoute Freud lire son article Les voies nouvelles de la thérapie psychanalytique. C’est la première fois qu'elle entend Freud présenter son travail en personne, et ce sera l’une des rares fois. Pour Klein, c’est un moment mémorable d’être en présence du fondateur de la psychanalyse.

La psychanalyse va alors devenir la passion de sa vie.


Le 11 novembre 1918, c’est la fin de la Première Guerre Mondiale, et la monarchie austro-hongroise s’effondre.

Toujours en analyse avec Ferenczi qui lui apporte encouragements et une formation de plusieurs années, Melanie commence à analyser les enfants, et il est plus que probable que Ferenczi, perspicace, lui ait suggéré cette démarche car il percevait qu'il s'agissait pour elle de cibler le cœur sa propre thématique personnelle, c’est-à-dire le lien avec sa propre mère.

À cause de ses états dépressifs et des problèmes qu’elle rencontre avec ses enfants, elle décide de les analyser. Cependant, si cette pratique peut sembler inhabituelle ou incongrue aujourd’hui, elle était courante dans le milieu psychanalytique à cette époque. Notamment, elle fait l’observation minutieuse de son dernier fils Erich de 1919 à 1922, soit de ses 5 ans à ses 8 ans. Hans et Melitta furent également analysés. Dans l'observation qu'elle en fait, elle décrit les problèmes de ses enfants avec une distanciation et un détachement tous cliniques. Elle apprend alors beaucoup des origines de l'angoisse.

Malgré l'apparent bien-fondé de sa démarche, il est également possible qu'elle ait causé du tort au lien avec ses propres enfants (surtout avec sa fille Melitta), bien que ce qu'elle avait appris ou découvert lui avait aussi permis d'aider d'autres enfants. En effet, pour comprendre ce qu'elle avait vécu dans son enfance, elle avait certainement répété, consciemment ou non, le traitement et la négligence qu'elle avait connus, sur ses enfants...

Arthur Klein, son époux, voit dans cette pratique une « intrusion destructrice pour les liens familiaux ». D’ailleurs, comme le souligne Phyllis Grosskurt, l’une des biographes de Melanie Klein, une telle intrusion dans le psychisme d’un enfant, surtout son propre enfant, peut mener à des dérives, comme l’abus de pouvoir, et l’observation du développement psycho-sexuel d’un enfant, lui, peut mener à la rupture d’un tabou, celui de l’inceste.


En 1919, Melanie, présente à la Société de Psychanalyse hongroise son premier article, « Développement d’un enfant », lequel est très bien accueilli. C’est l’étude du cas d’un enfant. Bien qu’elle le nomme « Fritz », il s’agit probablement de son fils Erich, qui à 5 ans présente un gros retard du développement et une inhibition massive. Grâce à cette communication, elle est désormais admise comme membre de la Société. Cependant, Melanie, n’ayant pas fait d’études universitaires, est perçue par les spécialistes de l’analyse d’enfants comme une iconoclaste. Mais Ferenczi la soutient et n’hésite pas à la présenter à Karl Abraham, autre disciple de Freud.

Cette même année, son mari part travailler en Suède alors que leur couple est en crise. À cause de l'agitation politique ambiante, de l’antisémitisme croissant et des complications conjugales, Melanie décide de quitter Budapest, et rejoint Karl Abraham à Berlin.

Le 8 septembre 1920, elle assiste au 6ème Congrès international de psychanalyse à La Haye. Elle y rencontre Joan Riviere pour la première fois.


Après le Traité de Trianon signé le 4 juin 1920 à Versailles, l’Empire Autro-hongrois est définitivement démantelé.


1921-1924 : Berlin, débuts de la psychanalyse d’enfants


Alors qu’elle a emmené Erich (qui a 6 ans) avec elle à Berlin, Melitta, 17 ans, finit sa scolarité à Budapest (et se mariera à ses 20 ans avec Walter Schmideberg, un médecin psychiatre), tandis qu’Hans (13 ans) est tantôt en pension, tantôt vit avec son père Arthur.

Hans et Erich


Karl Abraham supervise Melanie Klein, et l’introduit en même temps au monde psychanalytique berlinois. Sur le plan analytique, tandis que Ferenczi pratiquait une écoute active et empathique, elle est ici initiée à une écoute différente. Elle découvre les relations archaïques d’objet et une analyse du transfert négatif qu’Abraham a développé dans ses analyses de patients psychotiques.

En février 1923, Melanie Klein devient membre titulaire de la Société psychanalytique de Berlin, et publie « La psychanalyse des enfants » dans l'International Journal of Psycho-Analysis.

La même année, elle et son mari Arthur donnent une nouvelle chance à leur couple, surtout pour les enfants, alors qu'il a fait construire une maison à Berlin, quartier de Dahlem. Melitta commence ses études de médecine à l'Université de Berlin, où elle croisera Karen Horney.


Dans sa lettre du 7 octobre 1923 à Freud, Abraham mentionne le travail de Klein avec les enfants. Il lui écrit que Klein observe déjà des mouvements dépressifs chez l’enfant, ce qui confirme ses hypothèses de la genèse de la mélancolie auprès de patients psychotiques adultes.

Début 1924, Melanie Klein commence sa deuxième analyse, avec Karl Abraham, bien que celui-ci ne souhaitait initialement pas la suivre, car Melanie étant âgée, de 42 ans, et qu’il ne voulait plus prendre de collègues en cure. Son analyse ne durera qu'un peu plus d'un an.

La même année, Melanie se sépare définitivement de son mari, bien que cette rupture avait déjà informellement eu lieu bien longtemps auparavant. Elle lutte pour obtenir la garde d’Erich face à l’opposition d’Arthur.


Pendant les années berlinoises, Melanie se rapproche d'Alix Strachey, une collègue d'Abraham, et toutes deux dansent dans les bars de la ville. Mais Alix trouve Melanie ennuyeuse. En 1925, dans une école de danse, elle rencontre Chezkel Zvi Kloetzel, un journaliste et auteur d'albums pour enfants (déjà marié) avec lequel elle va avoir une histoire amoureuse. Cependant leur relation va se désintégrer. « Melanie Klein était trop intense, trop sérieuse, trop déprimée pour pour le genre de liaison légère que Kloetzel avait à l'esprit. […] C'était une femme intelligente capable de perdre la tête. » (P.Grosskurth)

Kloetzel se séparera d'elle en février 1926.


Malade, Karl Abraham meurt tragiquement, le jour de Noël 1925.

C’est une perte cruelle et brutale de plus dans la vie de Klein. Toutefois, elle poursuit son auto-analyse avec continuité et profondeur, une autre constante dans sa vie. Elle n’oubliera à quel point Abraham était convaincu que l’avenir de la psychanalyse des enfants réside dans la technique du jeu.

Il est probable qu’Abraham ait éprouvé une admiration teintée de crainte à l’égard de son élève exceptionnelle. Les théorisations kleiniennes de la relation d’objet, des stades prégénitaux, voire de la position dépressive tirent peut-être leur origines dans la pensée d’Abraham. Toutefois, Klein ose des innovations techniques et théoriques, affirmant leur validité sans passer par l’approbation d’aucun maître. Mais ses innovations reçoivent d’un côté une admiration enthousiaste, et d’un autre côté, une franche hostilité. La plupart des psychanalystes étant concentrés à traiter les adultes névrosés, ils ne semblent pas comprendre pas le point de vue de Klein.

Elle hérite aussi d'Abraham des notions de projection et d’introjection, et de stades de construction de la réalité qu’il a théorisées très tôt.


Les années berlinoises demeurent pour Melanie Klein fécondes sur le plan psychanalytique. En effet, elle remet en question la date d’apparition du complexe d’Œdipe qu’elle situe au début de la 2e année, plutôt que vers 5 ans comme l’affirme Freud. Elle découvre également chez « Erna », une petite fille de 6 ans, affublée de névrose obsessionnelle, un Surmoi archaïque très cruel bien avant l’âge de la résolution du complexe d’Œdipe, contrairement à Freud qui voit le Surmoi comme l’héritier du complexe d’Œdipe. Alors qu'elle estime possible la psychanalyses des très jeunes enfants, ce sera l'un des désaccords avec Anna Freud.

De façon originale, et pratiquant l'analyse d'enfants à l'aide du jeu, Melanie reconnaît leurs fantasmes ainsi que leurs angoisses comme base de toute leur expérience vécue.


Grâce à Alix Strachey, Melanie est invitée par le mari de celle-ci, James Strachey, à donner une série de conférences à Londres en 1925. Alix Strachey devient une promotrice essentielle des travaux de Klein à Londres, et lui donne également des cours particuliers pour travailler l'anglais.

Ses travaux sont très appréciés de la Société psychanalytique britannique, et lorsqu'Ernest Jones (son fondateur et directeur) lui propose de s'installer à Londres, elle accepte sans hésiter.

Elle ne reverra jamais Berlin ni Vienne.


1926-1939 : Londres, premières publications et théorisations


Installée à Londres, Melanie Klein analyse les enfants d'Ernest Jones.

Elle devient membre de la Société britannique de psychanalyse en 1927, après y avoir présenté une contribution, l'étude d'un enfant nommé « Peter ». Ses travaux sont tenus en estime, et elle bénéficie du soutien d'Ernest Jones, ce qui diffère beaucoup du milieu berlinois où elle faisait face à de nombreuses critiques.

La Société britannique de psychanalyse, qui jusqu'à présent souffrait d'un complexe vis-à-vis de celles de Berlin et de Vienne, était peu active, et étant ouverte aux idées nouvelles, avait commencé à témoigner d'un intérêt pour l'analyse des enfants. Klein était ainsi la bienvenue.

Toutefois, le répit est de courte durée... puisque la même année, Anna Freud présente à la Société de psychanalyse de Berlin une communication qui est en fait une attaque contre Melanie Klein. Les désaccords tiennent essentiellement au fait qu'Anna Freud considère que la psychanalyse d'enfants devrait seulement être nécessaire dans le cas de névroses infantiles, et qu'elle est dangereuse dans les cas normaux ; de plus, le thérapeute devrait s'en tenir à un rôle éducatif. Melanie Klein, elle, s'efforçait d'interpréter symboliquement tout ce que faisait l'enfant dans le jeu comme l'expression de l'agressivité, ou des pulsions sexuelles. De plus, pour Klein, l'adulte pouvait être considéré par l'enfant comme une figure d'autorité aimée ou haïe, et ce lien entre patient et analyste méritait d'être étudié. Anna Freud, elle, se refusait à explorer l'inconscient profond de l'enfant, de crainte de l'aliéner plutôt que l'aider.

Sigmund Freud lui-même se mêla peu à ces divergences. Là où il avait brillamment émis un doute sceptique sur les motivations intérieures et inconscientes de l'homme, en ciblant ses pulsions primaires, il semblait pourtant hésitant à plonger plus loin encore dans l'étude de la psychogenèse de cet inconscient archaïque (aux premières années de l'enfant), et à explorer ce qui était encore un vide inconnu et impensé.

Néanmoins, Klein trouve à Londres stabilité et tranquillité, ce qui lui permet d'y mener ses années les plus productives sur le plan psychanalytique.


Melitta et Walter Schmideberg, vers 1925

En 1928, Melitta Schmideberg, diplômée en médecine et analyste, rejoint sa mère à Londres avec Erich (qui prendra le nom d'Eric Clyne). Elle devient aussi membre de la Société britannique de psychanalyse, en 1930, comme son mari Walter Schmideberg. Il est probable que Melanie et Melitta aient ressenti entre elles une forme de rivalité entre mère et fille.

Leur relation a toujours été difficile. Melitta naquit en 1904 d'une mère dépressive, qui venait de perdre son bien-aimé frère Emmanuel. Elle fut surtout élevée par sa grand-mère Libussa, morte en 1914. En 1921 puis 1923, Klein publie le cas d'une enfant nommée « Lisa », bien qu'il s'agisse probablement de Melitta. Elle y est décrit comme sous-douée, inapte aux mathématiques, et confondant les lettres. Pourtant, Melitta suivit avec succès des études de médecine, et rejoint la Société britannique de psychanalyse à 26 ans, ce que sa mère fit à 45 ans en 1927 !

En 1933, Melitta expose à la Société le cas d'une petite fille, « Viviane », dont les troubles sont exactement les mêmes que ceux décrits par Melanie dans ses articles où elle évoquait les difficultés de sa fille. Mais si Melanie attribuait l'origine de ces difficultés à des facteurs structurels internes, Melitta, elle, attribue les troubles de Viviane à ses relations avec sa mère. Ainsi, la communication de Melitta de 1933 est une réponse directe à dix ans d'écart aux articles de sa mère, qui avaient traité d'elle.


Le 22 mai 1933, Ferenczi, le premier mentor de Klein, meurt.

En fin 1933, Kloetzel, son ancien amant qui venait de temps en temps la rencontrer la Londres, part pour la Palestine. Ceci la trouble et la déprime profondément.

Plus tard, à Londres, Melanie et Melitta rompent tout contact... Dans une lettre non datée (probablement de l'été 1934), Melitta envoie une lettre d'indépendance à sa mère, estimant ne plus accepter d'être maintenue sous dépendance névrotique. Étouffement maternel, ou matricide...?

« Je t'ai dit il y a des années que rien ne provoque en moi de pires réactions que lorsque tu essaies de m'imposer des sentiments : c'est le plus sûr moyen de tuer tout sentiment. Malheureusement, tu as une forte tendance à vouloir m'imposer ta façon de voir, de sentir, tes intérêts, tes amis, etc. Je suis maintenant une adulte, et je dois être indépendante. J'ai ma propre vie, mon mari. […] »

Pourquoi Melitta en voulait tant à sa mère ? Il est possible qu'en plus de lui en vouloir pour son instabilité émotionnelle en tant que mère dépressive (dépressive durant ses grossesses), elle ne lui pardonnait pas son divorce avec Arthur, qui avait fissuré la famille.

À la Société de psychanalyse, Melitta et Edward Glover sont ligués contre Melanie. Melitta l’accuse d’avoir analysé un enfant d’un an (elle répond ne pas analyser en dessous de deux ans et demi), ou encore de lui voler sa clientèle…


En 1934, on apprit le décès d’Hans, son premier fils, lors d’un accident de montagne, à 27 ans. Il travaillait dans une usine à papier non loin de Rosenberg, sa ville de naissance, et adorait se promener dans les montagnes des Tatras depuis enfant.

Melitta pense à un suicide, allant jusqu’à juger Melanie responsable. En effet, Hans, que Melanie avait emmené avec elle lors de ses déplacements de Budapest à Berlin, avait l’impression de n’avoir jamais eu de foyer, changeant sans cesse d’adresse. En effet, cet environnement pouvait avoir affecté la personnalité d’Hans, probablement perturbé et dépressif.

Melanie et Eric, eux, ne croient pas à la volonté de suicide d’Hans. Celui-ci, dans une lettre, mentionne une femme tchèque (mariée) avec qui ils auraient prévu de se marier après qu’elle ait obtenu son divorce. Cependant, l’absence de tout autre document écrit d’Hans laisse sa mort dans un mystère le plus obscur. Rejet amoureux, mariage impossible, l’ayant mené au suicide, ou tout simplement, accident…?

Les funérailles ont lieu à Budapest. Arthur et Eric y sont présents. Mais Melanie, tellement accablée et effondrée, n’a pas la force de quitter Londres. Selon Erich, la mort d’Hans fut pour sa mère une source de chagrin pour le restant de ses jours. Il est aussi rapporté que Melanie ne souhaitait pas recroiser Arthur, dont elle soupçonnait qu'il essaie de retenter une réconciliation entre eux.

Suite à ce deuil, Paula Heimann devient pour Melanie une confidente réconfortante, sa secrétaire et son analyste.


Simone Urwand écrit : « Chacun de ces deuils, qui ponctuent la vie de Melanie, réactive la peur, la douleur, la confusion des sentiments, ainsi que les fantasmes et angoisses liés à la première séparation, la perte de l’objet originaire, et à l’épopée œdipienne. »


Cependant, même la disparition d’Hans n’améliore pas la relation entre Melanie et Melitta, cette dernière restant rancunière et vindicative à l’égard de sa mère.

En attendant, on apprend que Melitta, bien qu'en froid avec sa mère, considère la principale rivale et opposition à ses idées, Anna Freud, comme une imbécile ne sachant distinguer conscient et non conscient. D'autres, comme Alix Strachey, trouvent les réactions d'Anna Freud comme sentimentales ou irrationnelles.


En 1934, Melanie présente un article qui donnera la Contribution à l’étude de la psychogenèse des états maniaco-dépressifs (1935), qui reflète la psyché et la pensée kleiniennes, de même que L’Interprétation des rêves (1899) de Freud semble le résultat de sa propre analyse.

En 1935, Donald Winnicott devient membre de la Société, et analyse Eric, le fils de Melanie Klein.

En 1937, Melanie est hospitalisée pour une opération de la vésicule biliaire.

Eric est marié à sa femme Judy, qui attend un premier enfant.


Avec Joan Riviere, Melanie Klein publie L’amour et la haine. Le chapitre écrit par Klein s’intitule L'amour, la culpabilité et le besoin de réparation.

Cette « réparation », qui ressemble peut-être à une forme d’expiation religieuse (Melanie, ayant plus jeune été fascinée par le christianisme, bien que juive), s’avère peut-être souvent dans son histoire personnelle un espoir ou un fantasme de sa part qui relève de la sublimation : que ce soit pour sa défunte mère Libussa qu'elle idéalisa, avec sa fille Melitta... ou bien, un sentiment ultime d'amour, en dépit des circonstances.

Malgré ses expériences du deuil, de la perte, de la trahison, de la dépression, Melanie eut l’intuition que du chagrin pouvait naître l’impulsion de restaurer et réparer l’objet abîmé par l’agressivité et les pulsions destructrices. C’est en sublimant sa propre expérience personnelle qu’elle explore de nouveau de son concept de « position dépressive » .

Melanie semble persuadée qu'Hans et Melitta ont mal mené cette position dépressive, qui suit la position schizoïde-paranoïde, et qui grossièrement chez l'enfant consiste à incorporer à la fois les « bons » et « mauvais » objets internes, pour passer de la relation d'objet (la mère étant objet d'attachement) à l'objet total, sans quoi l'enfant reste dans un clivage du moi, et vivant dans l'angoisse d'une perte de l'objet. Résoudre la position dépressive permet de considérer la mère, et les autres, comme des êtres séparés de soi-même, ne nous appartenant pas, et aux pulsions de haine succède la capacité à reconnaître et à vraiment reconnaître et aimer autrui. Si la position dépressive concerne l'enfant dans sa première année, il peut y en avoir des phases similaires intermittentes tout au long de la vie.

Elle semble obsédée de l'idée de comprendre. Toutefois, Melanie ne se reproche rien, et espère que Melitta comprendra, au travers de ses publications, et par elle-même. Tout comme elle-même, au chevet de mort de sa propre mère Libussa, lui demandait pardon.

En 1937 naît Michael, son petit-fils.


Melanie et son petit-fils Michael, vers 1938


Bien que disposant d'une solide implantation dans le milieu psychanalytique londonien, Melanie Klein fait également face à des opposants à ses théories et méthodes.

En Europe, la situation politique s'assombrit. Le 12 mars 1938, c'est l'Anschluss, l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne d'Hitler, avec le consentement enthousiaste des autrichiens. Ceci s'avère être la réponse ironique et cinglante au démantèlement de l'Autriche-Hongrie par l'Entente, moins de deux décennies auparavant. Finalement, Sigmund Freud se décide à s'exiler avec sa famille, notamment sa fille, Anna. Ils arrivent à Londres le 6 juin. Avec l'antisémitisme croissant, nombre d'analystes d'Europe centrale émigraient déjà depuis plusieurs décennies, au Royaume-Uni ou aux États-Unis.


1939-1944 : Guerre et controverses


En mars 1939, aux 25 ans de la Société britannique de Psyschanalyse, parmi les invités, Melanie rencontre l'écrivaine Virginia Woolfe et son mari Leonard. L'écrivaine écrit ceci à propos de Melanie Klein :

« C’est une femme qui a du tempérament, une certaine force et, enfouie au fond d’elle-même une certaine… comment dire ? pas habileté, mais subtilité : quelque chose qui opère sous la surface. Une traction, une torsion pareille à un coureur de fond : quelque chose de menaçant. C’est une femme bourrue à cheveux gris, avec de grands yeux clairs qui frappent l’imagination. »


Depuis les émigrations de 1938-39, désormais près d'un tiers des membres de la Société britannique de Psyschanalyse sont du continent, et la plupart sont solidaires d'Anna Freud, et se méfient de Melanie Klein, dont les théories se sont assez éloignées du corpus freudien. Sigmund Freud, lui, est trop fatigué pour assister aux réunions.

À la fin d'août 1939, Arthur Klein meurt à Sion, en Suisse.

Le 1er septembre 1939, les forces allemandes envahissent la Pologne.

Le 3 septembre, la Grande-Bretagne et la France déclarent la guerre à l'Allemagne en réponse.


Le 23 septembre, Sigmund Freud meurt à 83 ans.

Melanie Klein se rapproche de Susan Isaacs, et emménage chez elle à Bishop's Stortford. Elle travaillera et recevra sa clientèle à Cambridge le temps de la guerre. S'attendant à ce que son fils Eric soit mobilisé, elle trouve un endroit sûr pour Judy et Michael, à Trumpington.

En mai 1940, Emilie, sa sœur aînée tombe malade et meurt à Londres à 64 ans, alors que Melanie se trouve à Cambridge. Si adolescentes elles paraissaient avoir quelques affinités, il sembla qu'ensuite, leurs caractères bien différents avaient fini par les éloigner l'une de l'autre.

Ces pertes (à la fois de son ancien mari Arthur et de sa sœur Emilie) permettent à Melanie de comprendre un peu plus le phénomène du deuil, et le concept de Freud de « triomphe sur le mort ». Ses réflexions paraissent dans Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs (1940), texte retravaillé à partir d'un article qu'elle avait initialement présenté en 1938 à Paris, devant le 15ème Congrès international de Psychanalyse.

Selon elle, comme elle l'écrivait déjà dans sa Contribution à l’étude de la psychogenèse des états maniaco-dépressifs (1935), l'enfant connaît deux phases successives essentielles dans sa première année. La position schizo-paranoïde, puis la position dépressive. Quant à cette dernière, elle implique deux stades : des sentiments de persécution qui engendrent chez le moi la sensation d'être détruit et anéanti par des persécuteurs internes, et aussi, une « nostalgie » de l'objet d'amour perdu. C'est en passant notamment par la culpabilité, et la honte de ses propres tendances agressives, que l'enfant intègre que l'objet d'attachement est un objet total, séparé de lui-même. C'est cette conscience de l'autre qui permet le besoin de réparation, et là naît la capacité à éprouver gratitude et amour dans la vie du futur adulte. Dans Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs, elle relie la perte d'une personne aimée, plus tard dans la vie, à une réactivation de ce psychodrame infantile. Plus le sujet aura été aimé et aura introjecté au début de la vie les « bons objets d'amour » pour vivre en tant qu'être humain indépendant, plus efficace se révélera finalement le processus de deuil ultérieur.

Être en deuil, c'est être malade, dans un état maniaco-dépressif, que l’on considère naturel, exactement comme l'enfant normal passe par une stade de névrose infantile au cours de son développement.


En juin 1940, Melanie se rend en Écosse à Pitlochry pour veiller sur un enfant, « Dick », qu’elle analyse depuis 1929. Ses parents l’y ont envoyé pour l’éloigner de Londres. Bien que Melanie apprécie ce cadre naturel, elle pense à son petit-fils Michael, et souhaite ne pas rester trop éloignée de sa clientèle, et des activités de la Société de psychanalyse. Elle réfléchit également à l’étude qu’elle écrira de « Dick », considéré comme schizophrène (mais ultérieurement identifié comme autiste). Elle restera à Pitlochry jusqu’en fin août 1941.

S'il y avait à craindre des bombardements allemands, l'ambiance des réunions à la Société de psychanalyse devint à la fois électrique et délétère. Ernest Jones, bientôt en retraite, n'était pas parvenu à contenir les dissensions, et Edward Glover commençait à prendre le contrôle de l'association.

Avec la mort de Freud, il s'agissait pour les analystes de déterminer quoi faire de l'héritage freudien. La question se posait aussi de savoir comment former les futurs stagiaires et membres de la profession. Deux camps se dessinent : les freudiens, et les kleiniens. Anna, que Sigmund Freud considérait comme une Antigone ou une rebelle, est désormais celle qui prône l’orthodoxie aux idées du défunt père.

Ce qu'on appelle les Grandes Controverses a lieu : une série de réunions visant à examiner si les conceptions de l'Ėcole anglaise (largement kleiniennes) étaient valides, contredisaient la doctrine freudienne, en étaient des prolongements ou des dérives. La principale opposante aux idées de Klein est Anna Freud, mais aussi Edward Glover, ou encore même Melitta Schmideberg, sa propre fille.


« 1. L'une des différences les plus importantes entre les théories freudienne et kleinienne réside dans le fait que Mme Klein voit dans les premiers mois de la vie des manifestations d'une large palette de relations d'objets, en partie libidinales, en partie agressives. La théorie freudienne, en revanche, ne conçoit à ce stade que des rudiments extrêmement frustes de relations d'objets et voit la vie du nourrisson gouvernée par le désir de gratifications instinctuelles où ne se forme que peu à peu et lentement la perception de l'objet. »

« 2. L'hypothèse de l'existence de phantasmes d'objets précoces dans les théories de Mme Klein est liée à la substitution qu'elle opère dans la théorie, d'une relation d'objets riche et variée à un stade très primitif au premier stade narcissique et auto-érotique décrit par Freud. »

(P.Grosskurth)


Des échanges et divergences épiques ont lieu entre kleiniens et freudiens. Un « groupe du centre » (The Middle Group), dans lequel on trouve Donald Winnicott, s'abstient de prendre parti entre l'une ou l'autre des factions.

Finalement, la Société de psychanalyse évite une scission. Son directeur, Edward Glover, démissionne. À l'issue des Controverses, il est décidé de laisser coexister au sein de la Société deux enseignements parallèles : cours A, c'est-à-dire une continuation de ce qui existait jusqu'à présent, avec une influence kleinienne, et cours B, qui est le courant annafreudien. Cependant, les petites rancœurs et rivalités ne semblent pas s'estomper par la suite, choquant même certains nouveaux-venus, comme Hanna Segal, qui commence une analyse avec Melanie Klein. Souvent désavouée, Melanie se montre impassible voir insensible aux critiques, parfois mesquines, qui l'entourent. D'autres la trouvent autoritaire, voir colérique, dès lorsqu'elle se sent incomprise, attaquée. Elle donne l'impression d'une énorme confiance en ses points de vue, ce qui, après tant d'oppositions, n'est en un sens guère étonnant. D'ailleurs, elle parle peu de sa vie privée, et se montre impassible.

En 1945, Melitta part à New York, y poursuivre sa carrière et travailler avec des adolescents délinquants, se détachant de la psychanalyse. En dehors de quelques venues, elle ne reviendra vivre en Angleterre qu'en 1961.


1945-1960 : L'après-guerre


Après la guerre, Melanie achète sa maison de Clifton Hill qu’elle occupe depuis 1935. Ce sera la seule maison qu’elle aura possédée. Cette belle maison à l'architecture élégante et son jardin lui procurèrent beaucoup de plaisir et de sécurité.

Après toute l'énergie gaspillée dans les querelles qui ont divisé la Société de psychanalyse, Melanie Klein souhaite se remettre au travail et poursuivre l'avancée de ses recherches.

Malgré son apparent gain de cause, elle n'ignore pas que la psychanalyse est à présent dominée par le courant d'Anna Freud, surtout parce qu'elle est la fille de Freud, notamment aux Ėtats-Unis, où la plupart des analystes méprisent les idées de Klein, ou bien ne sont tout simplement pas au courant de leur existence, étouffée par les luttes d’influences et d’idéologie.


Melanie Klein, vers 1950


Melanie Klein à Paris en 1950,

Au 1er Congrès international de Psychiatrie



C'est dans les années qui suivent qu'en observant une patiente, elle développe la notion de « l'identification projective », qui deviendra centrale dans la psychanalyse. C'est un processus inconscient par lequel un sujet clivé attribue à des objets extérieurs certaines de ses propres caractéristiques, bonnes ou mauvaises, ce qui conduit à une fusion ou une identification du soi avec eux. S'il relève d'un phénomène normal dans certains cas comme chez certains sujets juvéniles, il s'avère plus inadapté et extrême chez les sujets psychotiques.


Le 30 mars 1952, Melanie Klein célèbre son 70ème anniversaire. Ernest Jones organise en son honneur un banquet au restaurant Kettner's, moment immortalisé par une photo célèbre où elle est entourée de ses collègues et partisans qui l'ont soutenue toutes ces années. Parmi eux, on trouve Marion Milner, Sylvia Payne, Ernest Jones, Herbert Rosenfeld, Joan Riviere, Donald Winnicott, Paula Heimann, James Strachey, Gwen Evans, Cyril Wilson…

Pour ses proches associés et étudiants, elle donne une fête chez elle.


La réception pour le 70ème anniversaire de Melanie Klein, 1952



Plus tard, Paula Heimann et Melanie rompent leur amitié sur fonds de rancœurs. Arrivée dans les années 1930 à Londres vers la trentaine, divorcée, vulnérable, Melanie l’aurait soutenue, influencée de manière à la convertir à ses propres idées, et à présent, Paula affirmait son indépendance d’esprit.

En mai, la nouvelle de la mort de Kloetzel à Jérusalem lui parvient. Elle semble peu touchée, mais son fils Eric comprendra bien longtemps après combien cet homme avait compté pour elle.


Melanie commence à prendre conscience qu'elle-même est mortelle. Elle marche avec une canne, et se fatigue très vite.

Inquiète pour l'avenir de ses idées, Klein se consiste un cercle de disciples doués et dévoués, qui transmettront et poursuivront sa pensée.

En 1954, Walter Schmideberg (le mari de Melitta, dont elle était séparée depuis longtemps) meurt des suites de son alcoolisme. Melanie écrit à Melitta à New York une lettre de condoléances, qui reste sans réponse. Bien que la mère et la fille ne se réconcilièrent jamais, Melanie garda près de son lit jusqu'à sa mort une photo de Melitta enfant.


En fin juillet 1955, Melanie a assez de forces pour se déplacer et assister au 19e Congrès international de Psychanalyse à Genève. Elle y présente son texte « Une étude sur l'envie et la gratitude », qui de nouveau cause surprise, provocation, et controverse, apparemment sa signature.

Elle y évoque l'envie primaire, en la distinguant de l'avidité et de la jalousie. La gratitude et l'amour sont associés à l'instinct de vie. Chez les sujets sains, capables d'aimer, il n'existe pas un besoin excessif d'idéaliser les objets aimés, comme c'est le cas chez les sujets psychotiques ou vivant dans un sentiment de persécution.

À présent, forte de sa position et de son parcours, Melanie assume aussi ses divergences avec Freud, en confirmant qu’il existe un Surmoi précoce et archaïque (avant les 2 ans), formé par l’introjection du bon et du mauvais sein, bien avant la résolution de l’Œdipe (autour de 5 et 6 ans). Là où Freud avait découvert l'enfant dans l'adulte, Klein, elle, avait découvert le nourrisson dans l'enfant.



En 1955 est créé le Melanie Klein Trust, une association chargée de promouvoir les idées de Klein, par la formation et la recherche. Il servira aussi à recueillir ses archives personnelles.

Au 20ème Congrès international de Psychanalyse à Paris en 1957, elle présente : Le développement du fonctionnement psychique.

De 1953 à 1959, Melanie prend des notes pour une autobiographie, qu’elle finira par abandonner. Ce document, qui écarte certains souvenirs pénibles et éprouvants, et qui donne des dates parfois apparemment inexactes (comme l'année de son divorce avec Arthur Klein), révèle son grand âge.


Melanie Klein et sa petite fille Diana


Grand-mère, elle aime passer du temps et voir les enfants d’Eric et Judy : Michael (né en 1937), Diana (1942), et Hazel (1947). Ces derniers décrivent Melanie comme « une très bonne sorte de mémé, toujours prête à écouter tout ce qu’on pouvait avoir envie de lui raconter ».

Melanie, bien qu’elle eut des relations difficiles avec ses propres enfants, semblait bien plus détendue et apaisée avec ceux des autres.

Une femme médecin, Dinora Pines, vivant Bracknell Gardens, avait remarqué une veille dame, portant de magnifiques chapeaux, qui s’asseyait souvent seule devant sa maison, et s’arrêtait au cours de ses promenades pour parler aux enfants du docteur Pines. Un jour, elles entrèrent en conversation. C’était bien Melanie, laquelle dit, avec malice : « Je suis bien freudienne, mais pas annafreudienne. ».


Pendant les dernières années de sa vie, Melanie continue à produire.

Au printemps de 1960, elle est atteinte d’anémie. La moindre activité l’épuise.

Elle passe un bref séjour en Suisse avec son fils Eric. À son retour à Londres, on lui diagnostique un cancer du côlon. Melanie dit à son petit-fils Michael qu’elle n’avait pas peur de la mort. La seule chose immortelle était ce qu’on avait accompli, et elle était confiante en le fait que d’autres feraient progresser ses idées.

Elle meurt le 22 septembre 1960 à l'University College Hospital, âgée de 78 ans.


À son fils Eric, elle légua tous ses biens. Et à sa fille Melitta, son bracelet d’or qu’elle reçut de la mère d’Arthur, la bague de diamant que lui avait offert son défunt mari, et enfin un collier en or avec sa broche qu’elle avait reçus à ses 75 ans.

Si de nombreux amis et collègues seront là, en revanche Melitta Schmideberg ne se présenta pas à l’incinération et aux funérailles de sa mère au Crématorium de Golders Green à Londres.


Après sa mort, de nombreuses personnes saluèrent la vie de Melanie Klein, si controversée de son vivant. Hanna Segal la décrit comme « généreuse, chaleureuse, passionnée, explosive même – et ses défauts n’étaient que les défauts de ses qualités ».

Si l’héritage kleinien perdure, avec ses idées provocantes, audacieuses et innovantes, ici s’achève sa vie.


Les travaux de Klein sur la psyché archaïque et primaire de l'enfant ont profondément marqué le mouvement psychanalytique britannique, et bien au-delà. C'est certainement en grande partie grâce à sa contribution, ses adeptes (Hanna Segal, Herbert Rosenfeld, Esther Bick, Donald Meltzer, ...) et leurs théories appliquées que la psychanalyse a pu élargir ses champs, notamment vers la psychopathologie chez l'enfant. De son vivant, elle a notamment influencé les travaux de Donald Winnicott, John Bowlby, Wilfred Bion. L'ampleur de ses travaux a été obscurcie en Grande-Bretagne, notamment à cause des controverses avec Anna Freud, des luttes d'influence et d'idéologie...



Quelques publications de Melanie Klein :


Le développement d'un enfant, 1921

L'analyse des jeunes enfants, 1923

La psychanalyse des enfants, 1932

Contribution à l’étude de la psychogenèse des états maniaco-dépressifs, 1935

L'amour, la culpabilité et le besoin de réparation, 1937

Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs, 1940

Sur la théorie de l'angoisse et de la culpabilité, 1948

Les origines du transfert, 1952

La technique du jeu psychanalytique : son histoire et sa portée, 1955

L'identification, 1955

Envie et gratitude, 1957

Se sentir seul, 1963 (posthume)





Portrait MBTI :

Melanie Klein, INFJ :


Introversion (I)

Intuition (N)

Feeling (F)

Jugement (J)


Fonctions cognitives : Ni Fe Ti Se



Intuition introvertie dominante (Ni dom) :


« Son intuition clinique, son style interprétatif, sa créativité impressionnent et souvent effrayent. » (N.Gougoulis)


Jeune, Melanie est une enfant introvertie qui se tient à l’écart des autres, de son frère et de ses sœurs, Emilie, Emmanuel, Sidonie, qui forment un ensemble uni auquel elle ne semble pas appartenir.

Vers l’âge de 8 ans, elle est fascinée par le jeu, celui des enfants plus jeunes. Elle ne joue pas, elle les observe. Elle ne participe pas à la vie, elle l’analyse. Elle se réfugie depuis toute petite dans les livres, qui deviendront ses compagnons de jeux exclusifs. Désir de vivre, de savoir, et de comprendre…


Dépressive depuis son mariage, elle est analysée depuis 1912 (jusqu’en 1919) par Sándor Ferenczi. Celui-ci réveille et ravive son intérêt pour la psychanalyse et la thérapie. De plus, à 1914, à 32 ans, lorsqu’elle lit Le rêve et son interprétation de Sigmund Freud, elle semble avoir une révélation : « C’était ce vers quoi je tendais, au moins pendant ces années-là, où je cherchais si ardemment ce qui me satisferait intellectuellement et émotionnellement. »

Tout ce vers quoi elle était attirée revient alors à grand pas vers elle, comme une évidence, une obsession, une vocation manifeste.


« Il est difficile de dire jusqu’à quel point elle est influencée, car Klein est un mélange étonnant d’ambition, d’indépendance mais aussi de réception mélangée de gratitude. Son histoire personnelle donne les matrices de ses relations analytiques, puis institutionnelles. » (N.Gougoulis)


Tous les drames et deuils de sa vie constituent le socle et le matériel de sa conceptualisation des éléments du monde intérieur, et aussi du lien, du clivage et de l’objet. La mort de sa sœur Sidonie à 8 ans alors qu'elle avait 4 ans, la mort de son frère Emmanuel, son lien difficile avec sa mère...


Au lieu de suivre un maître d'école, Melanie suit sa propre intuition. Bien qu'elle soit considérablement influencée par ses deux analystes, Ferenczi et Abraham, ainsi que les concepts de Freud, elle les récupère, les remanie, les affine, s'en démarque.

De toute évidence, Melanie Klein est résolument confiante en ses intuitions et ses théories, ce qui ne manque pas de captiver plusieurs de ses interlocuteurs. D'ailleurs, elle qui ne s'est jamais décrite comme « timide », peut dans une conversation déborder d'idées et de données, évidemment susceptibles de se cristalliser dans son esprit. Son esprit est créateur.

Décrite comme affirmée dans ses intuitions et ses positions, elle passe aussi pour « autoritaire », voire « suffisante ». Probablement eut-elle besoin d’être sûre d’elle-même, face à tant d’opposition. Peu de femmes exerçant dans un milieu « libéral » furent face à autant d’opposition.


Si chez Freud, le contenu primaire de l’inconscient est régi par les désirs et pulsions inconscients, chez Klein, il l'est par les phantasmes inconscients. Elle considère l’activité phantasmatique comme une activité psychique humaine fondamentale, qui soutient le fondement-même de tous les processus mentaux. Cette importance donnée à l'activité des phantasmes inconscients semble être la nature-même de l'Intuition introvertie.


Ses idées, constantes, convergent vers l'élaboration des concepts-clés qu'elle a développés (ou approfondis) et laissés à la psychanalyse, et qui organisent le système psychique kleinien : les positions schizo-paranoïde et dépressive, l'introjection et la projection, l'identification projective, les objets internes perçus comme « bons ou mauvais » dans l’imaginaire de l’enfant et qui contribuent à son développement, l'agressivité, le besoin de réparation de ses tendances destructrices, l'envie et la gratitude...


De même que Freud et Jung, des NJ, ont créé leur propre système structuré ou leur cartographie de la psyché, du conscient et de l’inconscient.

Ce n'est certainement pas un hasard si plusieurs personnalités et pionniers du mouvement psychanalytique étaient des NJ (Freud, Jung, Adler, Ferenczi, etc) puisque l'Intuition introvertie explore et synthétise les significations du monde intérieur pour en révéler les schémas universels, notamment ici, la psyché et l'inconscient.

Dans son livre Freud ou Jung (1950), Edward Glover suggère qu'avec leur parfum mystique, les idées kleiniennes et jungiennes ont beaucoup en commun.


Sentiment extraverti auxiliaire (Fe aux) :


« M. Klein a un esprit enthousiaste et méthodique, généreux et inflexible. »

« Elle a revu le féminin, le maternel, la bisexualité, insisté sur les oscillations entre les positions schizo-paranoïde et dépressive dans un mouvement de réparation et d’intégration, pour un développement harmonieux et ce, dans un climat de passions, le creuset même de son œuvre. Passions en elle, passions autour d’elle, M. Klein est inséparable du mouvement qui l’a engendrée comme elle l’a engendré… » (S.Urwand)


Si Melanie Klein est hautement capable d’avoir un regard analytique dans ses travaux, en revanche on a aussi souligné combien toute sa démarche était motivée un élan profondément intime et passionné. De plus, un large pan de son étude porte sur la vie émotionnelle et sensible : l'envie, la gratitude, la culpabilité, l'amour, la haine, l’agressivité, la réparation (une forme de pardon...) etc.


La première personne qui obtient toute son affection est son frère Emmanuel, que le sort lui enlève cruellement. Cette disparition semble la laisser inconsolable.

Dépressive après son mariage, alors sans espoir professionnel, c'est sa thérapie avec Ferenczi et la psychanalyse qui avivent chez elle une nouvelle passion, faute d'aimer son mari. Ici un formidable exemple de sublimation par la vie intellectuelle.

Dans le milieu psychanalytique hongrois puis berlinois, son originalité et son iconoclasme la rendent stigmatisée, ostracisée, du fait surtout de son engagement sur des voies de recherche qui lui étaient bien personnelles. De même, elle analyse ses propres enfants, persuadée que c'est une manière de trouver la source de ses propres problèmes personnels : son lien avec sa propre mère.

P.Grosskurth écrit : « Sous l'impeccable façade de sa vie publique, on perçoit à la fois sa vulnérabilité enfantine et la mûre connaissance qu'elle avait d'elle-même. »

À la fois Ferenczi et Abraham, ses deux analystes, reconnaissent à Melanie une intuition fulgurante, ainsi qu'une observation perspicace du comportement et de l'appareil psychique infantiles.


Alix Strachey, elle, bien qu'elle la trouve extrêmement perspicace en analyse, écrit la trouver « peu avenante », « hautement conventionnelle », trop sérieuse, se refusant des conversations de « dilettante » ou sans importance... Peut-être cette attitude résulte-t-elle aussi des événements graves de sa vie.


Dans L'Amour et la Haine (1937) co-écrit avec Joan Riviere, Melanie Klein écrit dans son chapitre L'amour, la culpabilité et le besoin de réparation :


« Être vraiment bienveillant implique que nous pouvons nous mettre à la place des autres, que nous pouvons nous « identifier » à eux. Cette capacité de s'identifier à une autre personne est un des éléments les plus importants dans les relations humaines en général. C'est aussi une condition pour aimer vraiment et intensément. Si nous sommes capables de nous identifier à la personne aimée, nous ne pouvons que négliger ou, dans une certaine mesure, sacrifier nos propres sentiments et nos désirs, et aussi, pendant quelque temps, faire passer en premier les intérêts et les émotions de l'autre. Étant donné qu'en nous identifiant à d'autres personnes nous partageons, pour ainsi dire, l'aide ou la satisfaction que nous leur avons offerte, nous regagnons d'un côté ce que nous avons sacrifié de l'autre. En fin de compte, en nous sacrifiant pour quelqu'un que nous aimons et en nous identifiant à la personne aimée, nous jouons le rôle d'un bon parent et nous nous comportons à l'égard de cette personne comme nous avions le sentiment que nos parents le faisaient autrefois avec nous – ou comme nous souhaitions qu'ils le fassent. »


Pensée introvertie tertiaire (Ti ter) :


D’abord à la Société de Pyschanalyse à Budapest, puis à Berlin, les travaux de Melanie Klein sont accueillis avec froideur, scepticisme, si ce n’est avec ironie. L’un des reproches adressés à sa méthode est d’avoir une approche intuitive, voire artistique, non scientifique, et « déductive », là où la pensée de Freud était davantage décrite comme « inductive ». Ceci correspond assez significativement à la différence entre la pensée déductive (Pensée introvertie, Ti), et la pensée inductive (Pensée extravertie, Te).


« Freud tend à esquisser un modèle de l'esprit avec des stades de développement clairement différenciés alors que la conception que Melanie a de l'esprit est celle d'un processus dynamique dans lequel un certain nombre d'émotions et de processus mentaux agissent simultanément – l'amour et la haine, la projection et l'introjection, le clivage, l'interaction du phantasme et de la réalité. » (P.Grosskurth)


Chez Freud, ce qui prédomine, c'est la pulsion sexuelle refoulée, et les besoins biologiques conscients ou inconscients qui forment la structure cohérente du sujet. Les décalages internes entre le Moi, le Ça, le Surmoi, peuvent engendrer des névroses, ou des psychoses. La psychanalyse a pour but de « renforcer le moi, de le rendre plus indépendant du surmoi, d'élargir son champ de perception et son organisation, de sorte qu'il puisse s'approprier de fraîches portions du ça. Où ça était, je (moi) dois advenir ». (Nouvelles conférences sur la psychanalyse, 1933)


Chez Klein, l'accent est mis sur la relation entre les objets internes (perçus comme « bons » ou « mauvais » par l'enfant, structurant aussi son psychisme), et les relations passées qui affectent une personne dans le présent, notamment le premier lien d'intimité, entre la mère et l'enfant. Ce qui importe, chez Klein, est la résolution des conflits d'objets précoces (comprendre que le « bon » objet et le « mauvais » objet ne sont qu'un, ce qui amène aussi à reconnaître l'autre comme objet total, séparé de soi), la prise de conscience des fantasmes inconscients, des pulsions agressives, ce qui passe par le besoin de réparation, condition qui permet au sujet dans sa vie future la capacité à ressentir de la gratitude et de l'amour.


« [Pour Melanie Klein] Une réparation authentique se produit lorsque dans une relation d'amour ou un rôle parental l'adulte cherche à s'inspirer de l'amour qu'il a reçu ou répare l'amour qui lui a été dénié en devenant un être plus aimant. » (P.Grosskurth)


Quant à sa pensée, Melanie Klein a été une personnalité aussi riche, novatrice, que controversée. Lorsqu'elle était en désaccord avec d'autres analystes, dont sa propre fille Melitta également psychanalyste, elle se montrait intransigeante. Dans ses cures, elle se montrait d'une rigueur extrême. Comme il l'a été signalé, son style d'interprétation était très particulier, rapide, direct et précis, et elle était loin de l'attitude silencieuse de certains analystes freudiens qui pensaient qu'il « fallait laisser le patient faire son analyse lui-même ».


Autres signes de son esprit iconoclaste, en 1925 Alix Strachey décrit Klein de cette façon à son mari : « Elle est un peu cinglée, c'est tout. Mais il n'y a aucun doute que son esprit regorge de choses très très intéressantes. Et elle a une charmante personnalité. »

Jacques Lacan désignera même Melanie Klein comme la « tripière géniale ».

De même, son audace technique et son habileté à théoriser ses propres idées et concepts étonnent.


Sensation extravertie inférieure (Se inf) :


« On accuse souvent Melanie Klein de s'intéresser exclusivement à la vie intérieure des enfants et de leur attribuer une sensibilité incroyablement complexe et sophistiquée. On lui reproche aussi d'exagérer l'importance des pulsions agressives des bébés. On entend sans cesse qu'elle a ignoré les facteurs de l'environnement. » (P.Grosskurth)

Dans son analyse d'enfants, maintes fois, il a été reproché à Klein de s'intéresser par-dessus toutes choses à l'univers intérieur et profond des sujets, plutôt qu'à leur environnement, aux facteurs immédiats ou ambiants, à leurs activités, à leur vie la plus simple, concrète, voir prosaïque. Ce que contestera Hanna Segal, répondant que Melanie Klein ne pouvait pas sans ses analyses révéler l’identité des parents des enfants, souvent eux-mêmes des analystes.


Dans sa propre vie, Melanie semble sérieuse, profonde, appliquée. Même lorsqu'elle s'autorise une plaisanterie, elle rappelle le sérieux de sa réflexion.

À Londres, dans les années 1930, Diana Riviere, fille de Joan Riviere, « se souvient de Melanie comme étant tout le temps dans un état de rêve, si constamment plongée dans ses pensées que, pendant les promenades, elle avait l'air à des milles de distance. Quand on lui parlait, elle réagissait comme si on venait de la sortir de transe. » (P.Grosskurth)


Il semble aussi que depuis son arrivée à Londres, elle semble plus vivante, et on la voit porter des « costumes chic », bien que « conventionnels », ou encore de beaux chapeaux, tandis qu'auparavant, aussi du fait de sa situation précaire à Berlin, de ses dépressions et de son mariage peu heureux, elle est décrite par la même (Dana Riviere) comme abattue, « mal fagotée » ou « frustre ».


Ayant été une personne aux prédispositions intellectuelles, une personne d'esprit et d'intuition, mais non moins passionnée, elle prêta pour ainsi dire le moins d'attention aux affaires concrètes, aux détails, aux choses de la vie présente et immédiate.




Portrait Ennéagramme :

Melanie Klein, une 4


Type 4 :

Compulsion : éviter la banalité

Passion : l’Envie

Fixation : la Mélancolie

Vertu : l'Ėquanimité

Idée supérieure : Source, Origine

Mécanismes de défense privilégiés : Introjection, Sublimation

Melanie Klein, vers 1906-07


Enfant non-désirée de sa mère, et négligée par son père, Melanie vit son enfance dans le sentiment de ne pas appartenir à sa famille, au monde. De même, alors que ses frères et sœurs Emilie, Emmanuel, Sidonie sont unis, elle reste seule.

Étrangeté dont elle souffrira, mais qu'elle surmontera également, par son caractère affirmé et déterminé. Ces sentiments de solitude, de différence, d'inadéquation, elle les sentira à maints endroits tout au long de sa vie.



Adolescente, nourrissant des ambitions intellectuelles, elle est désormais poursuivie par une soif d'apprendre et de se cultiver. La connaissance et l'intellectualisme devenant un refuge pour elle, on peut identifier une aile 5 à son type 4. Avant son mariage en 1903, elle étudie et s’intéresse à l’art, l’histoire, puis écrit proses et poèmes entre 1913 et 1919.


Épouse insatisfaite, mère dépressive, neurasthénique chronique... Dès quelques années de mariage avec Arthur Klein, elle reconnaîtra son couple comme « mal assorti » et n'évoluant pas vers un lien étroit, passionné et intense tel qu'elle le désirait. Son idéal se ternit face à sa situation réelle. Cet ingénieur chimiste ne comprendra jamais réellement sa passion et sa vocation pour la psychanalyse (qui d'ailleurs, redonnera un sens à sa vie). Peu intéressée par la vie ordinaire d'épouse et de mère, elle néglige parfois ses enfants (sa propre mère s'en occupe), ou bien les laisse en pension lors de ses nombreux déplacements.


Sa carrière professionnelle débute dans l'agitation (alors qu'elle approche de la quarantaine), car Melanie Klein est peu considérée et prise au sérieux à Budapest et à Berlin... Sans doute parce qu'elle vient d'un milieu d'origine modeste, parce que son père est juif polonais (minorités alors mal vues en Allemagne), parce qu'elle est une femme, qui vient de divorcer de surcroît, parce qu'elle n'a pas suivi d'études en médecine comme c'était le cas de la plupart des psychanalystes, parce que sa démarche semble trop intuitive, interprétative, personnelle, passionnée, intime, iconoclaste et peu orthodoxe... une ironie car la psychanalyse se voulant laïque et scientifique, était pour certains de ses membres comme une nouvelle religion ou secte, avec Freud pour guide suprême.


Autant de différences pour lesquelles Melanie Klein aurait pu se sentir diminuée, mais qui n'entachèrent pas son opiniâtreté.

L'envie primaire, archaïque, est au centre de l'étude de Klein. Envie qu'elle expérimente elle-même dès son enfance (c'est une enfant non-désirée, et son père préfère sa sœur aînée Emilie), et qui semble aussi être le moteur de sa vie d'adulte. Envie de vivre, de se dépasser, de comprendre, d'aimer...

La Passion du type 4, étant l'Envie (qui diffère bien entendu de la jalousie, comme Melanie l'étudie dans Envie et Gratitude : la jalousie a lieu inconsciemment dans une relation imbriquée entre trois sujets, tandis que l'envie, elle, est duelle).


Des éclats de sensibilité et de passion traversent également la vie privée de Melanie Klein : sa relation avec son frère Emmanuel qu'elle considérait comme un jumeau d'âme, sa période d'écriture et de confessions littéraires de 1913-1919 alors qu'elle traverse dépression et mariage malheureux, sa relation fugace et orageuse avec Chezkel Zvi Kloetzel en 1925, ...

Cette sensibilité créatrice et écorchée semble indissociable de son œuvre psychanalytique, tant celle-ci fait écho à sa propre vie, ses deuils, événements cruels, mais aussi ses rencontres, sa gratitude pour ceux qui l'ont guidée et soutenue.


Tel que l'écrivait Nietzsche, toute pensée philosophique n'est, au fond, qu'une confession personnelle de son auteur. Ceci semble s'appliquer à la psychologie. Comme Freud ou d'autres, Klein explore la psyché, mais surtout, inévitablement, sa propre psyché.

Comme Melanie Klein fut une personne de type 4 aile 5, il est probable qu'en plus de son milieu, de son époque, des événements (enfance, mais aussi rencontres, circonstances) de son existence, sa propre structure psychique et égotique, ait orienté, influencé et même conditionné sa pensée.

De même que Sigmund Freud fut de type 6 aile 5, il sembla insister sur l'importance du Surmoi dans sa topique (Moi, Ça, Surmoi) et dans leur dialogue ou comité interne, le doute suspect face aux motivations les plus profondes et primaires qui nous animent, l'évitement de la déviance, et se montra souvent réfractaire aux nouvelles idées émanant de son propre mouvement qui pouvaient contester les siennes (comme celles d'Abraham, Adler, Jung... ces deux derniers devenant des « dissidents » de la psychanalyse freudienne).


Du lien du 4 au 1, on retiendra chez Melanie Klein ses phases d’extrême culpabilité tout au long de sa vie (vis-à-vis de son frère Emmanuel, de sa mère, ...), mais aussi son application et la courageuse poursuite de sa mission, et même son attitude inflexible face à ses opposants.


Du lien du 4 au 2, on retiendra son dévouement (parfois son idéalisation ou sa dépendance) à ceux qu’elle a aimés, comme son frère Emmanuel, ses idées et thèmes qui s'illustrent notamment au travers des phénomènes de gratitude et de réparation qui lui sont chers.


Sous-type :


Claudio Naranjo décrit la Passion d'Envie du type 4 Sexuel comme projetée au-dehors en tant qu'avidité, haine, volonté animée de pulsions destructrices vis-à-vis de l'objet désiré et idolâtré, ce qui renvoie directement au « mauvais sein » des théories kleiniennes qu'il cite lui-même.

Là où la plupart considèrent gênant d'admettre les pulsions agressives du dedans ou les émotions considérées comme « négatives », et les laissent réprimées, refoulées, inconscientes, l'individu de type 4, particulièrement Sexuel, présente une aptitude étonnante à conscientiser et exprimer spontanément et sans filtres un large champ du spectre émotionnel existant.


Nul hasard que cela fut la cible du champ d'étude de Melanie Klein. Consciente de l'agressivité des phantasmes et des angoisses de l'appareil psychique chez les sujets infantiles, elle défraya la chronique et même parmi les analystes d'enfants. Elle insista sur la « vie émotive et sensible extrêmement complexe des enfants », et le fait qu'ils pouvaient ressentir colère, haine, rivalité et compétition vis-à-vis de leurs parents (y compris la fille vis-à-vis de sa mère), ainsi que peur et honte de leurs propres tendances destructrices.

De même, des concepts de pulsion de vie et de mort chez Freud, elle les associe à l'amour et la haine, et fonde plus tard ses notions de positions schizoïde-paranoïde et dépressive. Elle conçoit l'instinct de mort et de destruction à l'intérieur de soi, et non venant uniquement de l'extérieur.


Agressivité qui est également au cœur de ses idées, et qui chez Melanie Kleine amène le « besoin de réparation »... Que ce soit suite à la culpabilité qu'elle éprouve suite à la mort de sa sœur Sidonie, de son frère Emmanuel, ou encore de sa mère Libussa.

Chez Klein, le fondement de toute vie interpersonnelle est la relation des objets primitifs (internes et externes) chez le nourrisson, se jouant lors des positions schizo-paranoïde (à 3 ou 4 mois) puis dépressive (second semestre de la 1ère année), et se résolvant par l’introjection des « bons » objets à l’intérieur de soi, ce qui permet d’une part à l’enfant de reconnaître l’autre comme séparé de soi, de devenir autonome et confiant, et d’autre part de développer la capacité à aimer les mêmes objets extérieurs, c’est-à-dire l’autre. Et en amont de ceci, a lieu le lien intime et central avec la mère. Selon Klein, chaque deuil ou rupture réactive le psychodrame infantile de la position dépressive, c’est-à-dire de craindre l’effondrement du moi et de ses objets internes. Plus l’individu a reçu d’amour sain enfant, plus il est résistant aux risques d’anéantissement intérieur (ce qui différencie le deuil normal du deuil pathologique).


De quoi converger, chez Melanie Klein, vers un Instinct sexuel blessé, puisque durant une partie de sa vie, elle cibla une large part de ses problèmes et dépressions à une relation difficile avec sa mère, donc un rejet de sa propre personne. En outre, jusqu'à sa mort, elle ne pardonnera pas à Emilie, sa sœur, d'avoir été la préférée de son père.

Pendant un temps (vers les années 1900), Libussa, Emilie et Melanie s'imposèrent souvent les unes aux autres des sentiments de jalousie, de rivalité et de compétitivité. Melanie tenta aussi d'influencer sa mère pour améliorer son image auprès d'elle, et diminuer celle d'Emilie.


Enfin, Melanie, peut-être plus passionnée encore qu'intellectuelle, semble porter en elle une vision idéalisée de l'amour, comme un absolu, une idolâtrie, comme on le voit avec les hommes de sa vie (son frère Emmanuel avec qui elle vit des sentiments platoniques et ambigus, son mari Arthur avec lequel son idéal semble se ternir, sa brève relation avec Kloetzel, qui la marqua beaucoup...), mais aussi, paradoxalement dans le lien avec sa mère, et sa fille Melitta.


Là où le 4 Sexuel externalise sa souffrance au dehors (fût-ce par sublimation intellectuelle et créative, comme le fait Melanie), le 4 Préservation l'endure avec ténacité et travaille dur dans le silence. Ce dernier sacrifie aussi son confort immédiat au risque pour une meilleure vie, d'un avenir plus radieux et lointain, si lointain qu'il en semble inaccessible. Tendance également présente chez Melanie, qui jette les voiles à maintes reprises (Rosenberg, Budapest, Berlin, Londres...), à la fois poussée par l'Histoire, et sa propre histoire.


Son faible instinct Social est assez visible dans sa manière d'étudier l'inconscient archaïque au-delà ce qu'il était convenu de voir dans la société de son temps, allant parfois contre la majorité des analystes (groupes de Budapest et de Berlin), et ne cherchant pas prioritairement l’approbation et la reconnaissance du mouvement ou encore de Freud. Les individus d'Instinct Social dominant ou secondaire s'arrangeant, eux, pour rendre leur discours plus lisse et présentable à leur milieu. Dans le même temps, sa vision et son interprétation très personnelles des concepts freudiens, ainsi que sa trop grande indépendance et sa liberté d’esprit étaient précisément ce qui lui ont valu tant de suspicion, de stigmatisation, et d'incompréhension.



Une 4 aile 5, d'instinct Sexuel primaire et Préservation secondaire (Sx/Sp).

Ordre des centres : Émotionnel / Mental (soutien) / Instinctif (réprimé) : 4 alpha

Tritype : 451


Melanie Klein, INFJ 4, pose l'insondable question de pourquoi est-on qui l'on est, et face au caractère illusoire de trouver une réponse adéquate dans le monde (étant persuadée que les objets intérieurs sont aussi essentiels que les objets extérieurs dans le psychisme), elle explore la « source », le lien originel de l'enfant avec la mère (l'introjection des « bons parents » et de leur amour, ce qui permet au sujet d'aimer sainement dans sa vie future), la question de la perte et du deuil, du manque et du don, ainsi que de la quête d'une vérité et d'une plénitude intérieures.


Peut-être tout ceci contribua, avec ses positions innovantes et non consensuelles, de manière sous-jacente et pourtant profonde, à faire de Melanie Klein une figure aussi particulière, originale, iconoclaste, remarquable, et aussi controversée, du mouvement psychanalytique ? En tant que l'une des toutes premières théoriciennes des émotions, il fallut que ce rôle soit assumé par une 4, une alchimiste des émotions.



Par Julien Dzn


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Sources principales de cet article :





Melanie Klein : Son monde et son œuvre (2001), par Phyllis Grosskurth


Melanie Klein, le jeu psychanalytique et le groupe d'enfants, Simone Urwand, dans Excitation, jeu et groupe (2005), sous la direction de Jean-Bernard Chapelier, Jean-Jacques Poncelet


Apport de Mélanie Klein à la compréhension du processus de séparation, Louisette Andjelkovic, dans Imaginaire & Inconscient 2002/4 (N° 8)


Faut-il craindre Mélanie Klein ? Nicolas Gougoulis, dans Topique 2022/2 (N° 155)




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